Dans notre série sur Sorcellerie et pouvoir du mystique en Afrique, et dans notre thématique mensuelle du pouvoir, j’ai choisi l’œuvre du père jésuite Eric De Rosny, « La Nuit, Les Yeux Ouverts » pour illustrer/ décrire la part de la sorcellerie en Afrique. « Africa Books », ça faisait un moment. Don’t worry, we are back! Ps: Dites-moi que je vous ai donné envie…
Envie de lire plus bien évidemment. En effet, l’œuvre que je me mets au défi de vous présenter touche à l’essence même de nombreuses traditions africaines : la coexistence permanente du monde des esprits où siègent de nombreuses divinités et celui des mortels. L’un des éléments marquants de cette coexistence telle que décrite, est l’opposition manifeste entre les forces guérisseuses représentées par le « Nganga » ou « tradipraticien » en langue Douala et les forces destructives représentées par les « sorciers » et leur cohorte d’esprits vengeurs.
L’introduction ci-dessus demeure très ramassée, éventuellement partisane et réductrice tant est vaste le champ couvert par le père jésuite Eric De Rosny, auteur du très beau « La Nuit, Les Yeux ouverts », et décédé en Mars 2003.
Ce roman publié en 1996 s’inscrivait comme la suite de son livre « Les Yeux De Ma Chèvre ». Ce dernier décrivait l’odyssée du père jésuite dans l’univers de quelques « Nganga » du groupement « SAWA » installés dans la capitale économique du Cameroun Douala, dans laquelle il a longtemps séjourné. Cette odyssée sera marquée par un événement majeur : la pratique du rite d’ouverture des yeux sur la personne d’Eric De Rosny.
Ce rite, tel que décrit par l’auteur permet à l’individu qui le reçoit d’accéder à la double-vue, celle du monde mortel et celle du monde des esprits. Cette capacité est réputée critique pour permettre aux tradipratriciens d’évaluer efficacement les maux dont souffrent leurs patients, notamment lorsqu’ils souffrent d’attaques provenant du monde des « ndimsi » (ou monde des esprits).
Dans la « Nuit Les Yeux Ouverts », le père Eric nous décrit son expérience de la vie avec les « quatre yeux ». Mais au-delà d’un simple récit, il s’agit d’un essai philosophique et culturel et le récit d’un cheminement intellectuel.
Eric De Rosny, dans la pure tradition jésuite a fait l’effort de comprendre et intégrer la société qu’il a accueilli. Pour se faire, il a essayé avec l’aide d’autres de saisir et promouvoir le sens profond de certaines traditions camerounaises et africaines en général (au vu de son expérience). Son livre s’inscrit donc comme une invitation à la méditation et à la communion avec notre culture.
Ce livre que je lisais pour la deuxième fois il y a quelques jours, m’a inspiré beaucoup de poésie. Ce livre m’inspire à mieux découvrir et me rapprocher de mes traditions. Ce livre me donne aussi l’assurance que s’approprier la tradition ne saurait être incompatible avec une foi chrétienne vivante contrairement à des opinions généralement répandues. Il s’est offert comme un pont entre religion chrétienne et traditions africaines d’inspiration « animiste ».
Pour une meilleure compréhension de l’œuvre, je vous inviterais aussi à lire celle qui l’a précédé et inspiré « Les Yeux de Ma Chèvre ». La revue proposée ici vise essentiellement à vous donner l’envie de découvrir ces deux œuvres avec grande hâte. Pour ceux qui (comme moi) aiment lire en musique, « Scenes of My Life » 1er album de l’illustre Richard BONA est une bande-son idoine. Ode aux esprits de sa terre natale (il est membre du grand groupement « Sawa » dont l’un des villages historiques est la ville de Douala, qui donne son nom à l’ethnie clef du groupement SAWA, les Duala), ballade sur le fleuve Wouri, cet album saura vous envoûter tout comme l’œuvre d’Eric De Rosny.
L’aventure commence ici et maintenant avec « Eyala » à écouter ci-dessous.
http://www.youtube.com/watch?v=0Jnjt-dyego
XoXo
Anna KEDI SIADE ♦
very catching!!!
Merci beaucoup my dear.