Inyenzi ou les cafards- Scholastique Mukasonga

Mukasonga 1
«Où sont les Inyenzi ? Où sont les cafards ? Tuez tous les Iyenzi !Tuez tous les cafards ! ». On pourrait aisément croire qu’il s’agit là de ces immondes bestioles qui peuplent les égouts, les poubelles, les latrines, ou toutes sortes d’endroit à l’hygiène répugnante. Mais il n’en est rien. Il s’agit là de la désignation d’êtres humains, condamnés au même sort que réserve le maître de maison, à tout cafard qu’il croise sur son chemin. Vous l’aurez peut-être reconnu : il s’agit bien là de la condamnation d’un peuple par un autre, d’une tribu par une autre, d’êtres humains, par d’autres.

« Inyenzi ou les Cafards » est l’histoire vraie de Scholastique Mukasonga. C’est le roman d’une tragédie, vécue sur plusieurs décennies. C’est le récit d’une survivante, qui a le mal de vivre, la douleur d’avoir été épargnée par le sort, le chagrin immense de faire partie de ceux qui sont restés, ceux qui peuvent aujourd’hui encore raconter ce qui s’est passé, cette année 1994 au Rwanda, pas si loin de nous. C’est une fresque sanglante, qui retrace les pires heures du génocide (y en avait-il de moindres?), mais qui relate surtout l’histoire d’une haine entre deux peuples, à l’orée des années 50, et qui va se solder par les atrocités que l’on sait.

Scholastique est née dans la province de Gikongoro au Rwanda, et a très vite vu sa vie troublée par cette chasse aux cafards, insulte désignant les Tutsi, peuple dont elle est issue. Sa famille et elle, vont subir les pires traitements, les brimades, la famine, les déménagements à répétition, l’exil, qui les mènera à Nyamata, qui sera en partie la scène de cette tragédie.

Cosma, son père, homme pieux, droit et dont le souci de faire survivre sa famille le guide plus que tout, a à force de sacrifices incessants, tout tenté pour mettre sa famille hors de danger. Aidé de Stefania, son épouse et mère de Scholastique ainsi que de six autres enfants, il va notamment par le biais de l’éducation, tenter de donner de l’espoir aux siens, se disant que seule l’éducation octroiera une chance à ses enfants, et feront d’eux non seulement des personnes averties, mais surtout, saines et sauves.

Sur le chemin de l’apprentissage, Scholastique va se heurter sans cesse à la haine des autres, qui voient en elle un rebut de la société, une espèce dangereuse, un cafard, qui engendrera d’autres cafards, qui peupleront et pollueront le Rwanda, qui tenteront de faire main basse sur les richesses du pays, au détriment des Hutus. Elle va à force d’obstination et de détermination, poursuivre son chemin, tenter de rendre fière son père, Cosma, qui travaille d’arrache-pied pour que sa famille tienne bon.

Antoine, Alexia, Pierre, Jeanne, Judith, Julienne, Douce, Nella, Christian, Nénette, et tant d’autres, dont citer les noms s’inscrivent à chaque fois comme un coup de poignard dans l’âme de l’auteur. Tous ces proches, amis, famille, camarades, morts dans des conditions inhumaines. Non sans peine, l’auteur nous raconte son parcours, sa vie, sa souffrance, et nous invite à partager la douleur de tous ceux qui comme elle, ont laissé le sang des leurs sur cette terre d’Afrique, le Rwanda.

D’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais pleuré en parcourant les pages d’un livre. Il faut un début à tout. Je souhaite partager mon expérience de lecteur, qui n’a pas su -ou pu- se retenir à la lecture de certains passages.

Sans fausse pudeur, Scholastique Mukasonga nous invite à entrer dans sa mémoire, et dans celle des siens. J’ai accepté son invitation. Je vous exhorte à faire de même.

Cédric BENGUE ♦

1 Commentaire

  1. Tres beau billet qui remplit parfaitement son role de donner envie de decouvrir ce livre. On ne doute pas du tout a la lecture de ces lignes que nous en ressortirons emus et boulverses…
    Tumbs up!!

    1. Merci beaucoup!!!

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