Mongo-Beti

La Ruine Presque Cocasse d’un Polichinelle-Mongo BETI

mongobetilaruinepresquecocasse« La Ruine Presque Cocasse d’un Polichinelle », la première fois que je vis ce titre, je le trouvai extrêmement drôle. Savoir qu’il s’agissait du tome 2 de Remember Ruben, rendait ce titre d’autant plus incompréhensible en apparence, que Remember Ruben de Mongo BETI, c’était lu (à mes yeux) comme un drame sans espoir, et qui me rendait profondément triste à chaque fois que j’y pensais.

Et puis, je repensai à l’art de la dérision qui faisait le propre de l’auteur Mongo BETI. J’ai repensé à cette homme qui toute sa vie avait dénoncé un système qui détruisait sa chère et tendre patrie (le Cameroun). J’ai repensé aux affres de l’écriture et de l’exil qu’il avait dû vivre. J’ai repensé qu’au début des années 70, un régime dénué de charme et d’espoir était installé dans mon pays. Je me suis donc dit que « ruine » ne pouvait être que le terme que cette période lui évoquait. Quant au caractère « cocasse » et quant à l’attribut de « polichinelle », je l’ai compris comme l’expression de sa profonde tristesse fasse à l’échec de la révolte de Ruben UM NYOBE (combattant pour une indépendance libre du Cameroun), ce dernier pouvant être comparé à un polichinelle. Polichinelle, marionnette d’un système où tout était joué d’avance entre le pouvoir colonial et les nouveaux maitres du pays. Une ruine presque cocasse que celle d’avoir cru un instant qu’il pouvait vraiment faire changer les choses. Presque et pas totalement, car lui comme les Camerounais de cette épôque ou comme nous Africains d’aujourd’hui, avons le droit de rêver à une Afrique libérée de ses chaînes.

Vous devez avoir lu mon premier paragraphe comme une digression mais il n’en est rien. Comprendre l’esprit du titre, permet de mieux comprendre et de s’attacher avec plus d’intensités aux aventures de Mor-Zamba, de Mor-Kinda encore appelé Jo Le Jongleur et du jeune sapak Evariste. Les trois compères (personnages principaux du livre) suite à l’échec de la révolution et à l’accession au pouvoir du nouveau maître secondé par Sandrinelli, le colon qui est désormais conseiller, se lancent dans un voyage au cœur du pays à l’objectif somme toute étrange. Il s’agit de rejoindre la contrée de leur chef ultime, l’un des leaders de la révolution le Commandant ABENA, contrée qu’il partage avec le colosse Mor-Zamba.

Cette tâche sera tout sauf aisée et nous donnera l’occasion de découvrir des personnages haut en couleur comme le pasteur Van Riedell, la téméraire Elingui-La-Jeune, et la mère sage Elingui-La-Vieille, mère d’Abena. Nous découvrirons les effets nocifs du pouvoir, l’incapacité des hommes parfois à se révolter contre une injustice apparemment facile à démonter. Comme dans certains de ses autres romans, Mongo BETI, nous montrera une fois de plus son respect pour la femme. Féministe avant l’heure, il semblait avoir ce sentiment que les femmes sont les vraies combattantes, les vraies personnes capables de se soulever pour revendiquer leurs droits. Il leur accorde une intelligence, une force et une sagesse qui semble de loin supérieure à celle de leurs hommes. Dans ce roman aussi, Mongo Beti met face à face, les différentes formes de révolution : le sang contre la paix, la violence rustre contre la ruse. Au final, la victoire est un mélange savant de ces différentes facettes.

Avec « La Ruine Presque Cocasse D’un Polichinelle », Mongo Beti a encore écrit un chef d’œuvre. Chef d’œuvre de narration, chef d’œuvre d’écriture, chef d’œuvre de prise de position. Toutefois, il faut accepter de le découvrir, il faut accepter de laisser ses défenses tomber. J’ai eu du mal au début et vous serez certainement plusieurs dans mon cas. C’est un livre qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. On doit vouloir le posséder, se donner de la peine pour le comprendre. Une fois les clefs ouvertes, on reste avec un manuel révolutionnaire, une bouffée d’espoir particulièrement pour ceux d’entre nous qui vivent encore dans des pays où la liberté de choix politique fait figure de chimère.

Sur ce, allez assister de ce pas à la « Ruine Presque Cocasse D’un Polichinelle ». Allez de ce pas, faire allégeance et surtout REMEMBER RUBEN. La flamme vit en nous!

XoXo,

Anna KEDI SIADE ♦

4 Commentaires

  1. Merci pour ce sommaire tres approprie de ‘La ruine Presque cocasse d’un polichinelle’. J’ai lu le livre et ce sommaire est ‘spot-on’. Merci pour la breve intro sur cette époque, et de preciser la relation de ce livre avec le livre ‘Remember Ruben’ que je reve de lire.

    1. Merci beaucoup pour le feedback. Tu auras peut-être vu le lien vers la revue de Remember Ruben, elle aussi disponible sur le site. Je te conseille vivement de pouvoir lire le bouquin en lui-même. Ce sont deux joyaux qui ne vont pas l’un sans l’autre.

      1. Merci Anna… je vais de ce pas lire la revue de ‘Remember Ruben’.

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