« Le Cercle Des Tropiques » ! J’ai acheté ce livre en 2003, je l’ai dévoré, je m’en souvenais comme d’un symbole, puis je l’ai délaissé dans un coin. Symbole de quoi exactement, je n’aurais plus su vous dire jusqu’à sa re-lecture il y a quelques semaines.
Alioum Fantouré est un auteur guinéen prolixe, grand intellectuel (économiste s’il vous plait) de ce pays qui donna naissance à Samory et Sékou Touré. De ses œuvres, je n’ai lu que « Le Cercle des Tropiques » mais elle m’a suffi pour le classer au panthéon de mes auteurs africains préférés d’autant plus qu’elle a obtenu en 1972, le Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire.
C’est un conte du cœur de l’Afrique. L’histoire commence quelques années avant l’indépendance dans la « République des Marigots du Sud ». Nous avons pour conteur Bohi Di, un fils de la terre (ce que signifie son nom) comme tant d’autres mais pourtant si différent. Il est tantôt témoin, acteur involontaire ou acteur conscient des différents événements qui vont bâtir le vécu de la jeune république en devenir.
Tout en restant une fiction complète, le roman reprend bien des synonymes de nombreuses luttes pour l’indépendance en Afrique Francophone : D’un côté, le combattant mal vu en la personne de Monchon, d’inspiration communiste, protecteur des travailleurs et de l’autre le dauphin attitré des colons Baré Koulé (chantre du Messie-koïsme), prêt à tout pour prendre le pouvoir et grand ami des corporations coloniales décidées à conserver leur pré-carré. Vous l’aurez deviné sans aucun doute, dans ce monde impitoyable: Baré Koulé prend le pouvoir tandis que Monchon perd la vie.
Bohi Di se verra involontairement mêlé à la suite de la vie de la république et notamment à la résistance sans équivoque qui s’élevera contre Baré Koulé jusquà l’affrontement final. Donner plus de détails aurait pour objectif de décourager votre envie de découvrir cette belle oeuvre. . Les thèmes abordés sont larges et pourtant très communs à la période avant et après indépendance en Afrique : attachement ou non à la métropole, précarité, abus de l’administration, « Le Noir est l’ennemi du Noir », crise économique, néo-colonisation, gabegie et j’en passe.
Toutefois, en lien avec notre thème du mois, j’ai choisi ce roman de toute évidence. Dans son œuvre, Alioum Fantouré décrit les mécanismes d’ascension au pouvoir. Il démontre les effets pernicieux du pouvoir sur la personnalité d’un individu. Il est critique envers tous ces dictateurs qui peuplent le monde et on ne saurait le concevoir mais il est tout autant critique envers les peuples asservis. En effet, nous avons souvent la naïveté de croire que dans la vie ou dans un combat, le salut vient de l’autre. L’autre doit changer, l’autre doit s’améliorer, le gouvernement doit être moins corrompu, les élites doivent se sacrifier etc. En lien avec la citation de Stendhal présentée ce Lundi, Mr. Fantouré démontre sans équivoque que changement et liberté ne peuvent être que la somme d’actes individuels de chacune des personnes qui constitue la population. Si on ne veut plus de corruption, il faut d’abord se donner de la rigueur soi-même. Si on veut changer le monde, il faut le changer soi-même.
La puissance tient au choix de son personnage principal Bohi Di. Bohi Di est un homme comme les autres, orphelin de père et de mère, issu du monde paysan, débrouillard qui a une sainte horreur de l’injustice. Ce sentiment est au cœur de sa participation active à la libération de sa patrie.
La liberté s’arrache et n’en est que plus fragile. Elle se cultive, se recherche et ne tolère pas la demi-mesure. Elle dit non au pouvoir destructeur, elle dit non à la délation et son besoin est implacable. Si Mobutu SeSe Seko avait lu « Le Cercle Des Tropiques », il aurait songé à une autre fin pour sa vie.
Sur ce, je vous invite sans plus tarder à plonger dans « Le Cercle des Tropiques ».
XoXo
Anna KEDI SIADE ♦
Now more than ever I do understand our bond through the ideas and convictions we share!! Great review…
Oh yes. I can lend you the book if you wish. Anytime. Luv.
Moi qui attendais un changement, un miracle avec la venue de l’indépendance, j’aivais découvert un gouffre d’incertitude, aussi angoissant que la pensée d’entrer soudain dans la tombe.
Eh oui, belle citation de ce si beau livre. Merci pour le stop par ici.